La deuxième question que je voudrais vous poser c’est « Qu’est-ce qui justifie d’avoir un bon salaire ? ». Pourquoi certaines personnes sont mieux payées ? Pourquoi certaines personnes sont moins bien payées ? Pourquoi certaines personnes estiment extrêmement injuste leur salaire et ne le comprennent pas ? Il y a de nombreux éléments à prendre en compte pour comprendre pourquoi on a ou non un bon salaire.

La première chose c’est quelles sont les tâches que nous effectuons dans l’entreprise. Ces tâches ont tout simplement une valeur ajoutée pour l’entreprise. Est-ce que vous êtes en relation avec des clients ? Est-ce que vous êtes plutôt sur la partie vente ? Est-ce que vous êtes plutôt au back-office ? C’est-à-dire que vous êtes plutôt sur des tâches administratives. Toutes ces tâches apportent une valeur à l’entreprise et sont parfaitement nécessaires, mais la question est surtout quelle est la perception de votre manageur vis-à-vis de ces tâches ? Est-ce qu’il les a déjà effectuées ? Est-ce qu’il les comprend ? Est-ce qu’il a la visibilité sur ces tâches ? Est-ce qu’il sait ce que vous faites de vos journées ? Est-ce qu’il sait à quel point ce que vous faites de votre journée est important pour l’entreprise ? Vous devez donc commencer par lister toutes les tâches que vous effectuez tous les jours et vous dire : « Qu’est-ce que cette tâche-là apporte comme bénéfice à mon entreprise ? Qu’est-ce que cette tâche-là apporte comme bénéfice à mon manager, aux clients, au reste de l’équipe, à l’entreprise etc. ? ».

Ensuite, vous devez vous poser la question dans quel secteur d’activité vous vous situez. En effet, tous les secteurs d’activité ne paient pas de la même manière. Que vous travailliez dans l’automobile, la pharmaceutique, les secteurs administratifs, le secteur public, ces différents secteurs n’ont pas les mêmes codes. Ils n’ont pas les mêmes grilles de salaire, ni les mêmes habitudes pour payer les collaborateurs. Du coup, si vous prenez le secteur dans lequel vous vous trouvez, vous devriez être capable de trouver des études de marché, des comparatifs de salaire et des comparatifs d’évolution de salaire qui vous correspond au mieux.

Le conseil que je peux vous donner et qui est souvent extrêmement simple est d’essayer de contacter des personnes que vous ne connaissez pas qui font le même travail que vous, mais qui ont 5, 10 ans d’ancienneté de plus que vous. S’ils sont dans le même secteur que vous, vous pourrez commencer à estimer quelles sont les évolutions possibles de salaire, et dans ces cas-là, est-ce que ces évolutions sont en phase avec vos objectifs ?

Un autre facteur important est la taille de la société. Il y a une légende qui consiste à dire qu’on gagne plus dans les grandes sociétés que dans les petites. Croyez-moi, pour avoir été à la fois dans des grandes et des petites sociétés, c’est totalement faux. En fait, les grandes sociétés sont soumises souvent à des règles qui doivent être parfaitement transversales entre les personnes. Il y a donc ce qu’on appelle les fameuses grilles de salaire, on reviendra plus tard dessus, et ces grilles de salaire vont tout simplement vous mettre dans une case et limiter, ou améliorer dans certains cas, le salaire que vous allez réussir à obtenir. Il faut l’accepter, cela vous donne un avantage, c’est que vous pouvez normalement grâce aux grilles de salaire assez rapidement estimer quelle progression vous pouvez espérer dans 2, 5, 10 ans, si vous restez dans cette société.

Parallèlement, les petites sociétés ont un avantage : vous êtes beaucoup plus proche des managers, proche de la direction, et si vous avez la capacité à prouver beaucoup plus rapidement et à justifier plus rapidement la valeur ajoutée que vous dégagez pour l’entreprise, normalement, vous devriez avoir la capacité à plus rapidement avoir un salaire plus important. Il n’y a donc pas de bonnes ou mauvaises choses sur la taille des sociétés, il y a juste un croisement évident à mettre entre les sociétés qui sont des sociétés grandes ou petites et sur quel marché elles se situent.

On discute beaucoup des startups ces derniers temps avec deux grandes philosophies : les startups dans lesquels les collaborateurs sont peu payés, mais où ils ont beaucoup d’avantages et un vrai plaisir de travailler, et les startups où les collaborateurs sont très bien payés, et ces startups-là en général bénéficient soit de financements externes, soit des produits extrêmement rentables. Dans les grands groupes, c’est la même chose. Travaillez-vous dans une petite société française ou un grand groupe français ? Travaillez-vous dans un grand groupe américain sur des fonctions beaucoup plus dynamiques : le marketing, la finance, ce genre de fonction là ? Vous devez cartographier impérativement la taille de la société et le marché qui vous permettront tout simplement de savoir quelles sont vos possibilités d’évolution de salaire.

Ensuite, vous devez analyser le style de management de la société, quelle est la philosophie de la société. Il y a des sociétés dans lesquelles avoir des collaborateurs heureux, dont le bien-être au travail est absolument central. Ces sociétés ont compris l’importance d’avoir des collaborateurs qui sont bien dans leur travail car cela a plusieurs conséquences : ils sont plus engagés et bien évidemment plus performants.

Parallèlement, vous avez des sociétés qui n’ont pas de problématique pour recruter des talents, pour recruter de nouvelles personnes. Ces sociétés en général peuvent payer moins ou peuvent payer avec des facteurs différents. Par exemple, la fierté de travailler pour une marque. Si vous prenez, par exemple, le secteur du luxe qui est un secteur extrêmement dynamique en France, il est connu que dans le secteur du luxe beaucoup d’enseignes ne paient pas bien, mais en fait elles paient à la fois en euro, mais aussi en égo, l’égo humain, chose sur laquelle nous reviendrons plus tard. Pourquoi ? Car comme vous êtes fier de travailler pour cette société, vous êtes souvent d’accord pour accepter un salaire moindre que dans une société qui ne serait pas connue. Vous devez alors vous poser les questions suivantes :

–       Cet objectif est-il celui que vous avez marqué dans l’enveloppe précédemment ?

–   Est-ce que la marque pour laquelle vous travaillez va vous apporter quelque chose à titre personnel ?

Le facteur suivant important à comprendre est un facteur de risque. Dans beaucoup de sociétés, évoluer dans une pyramide hiérarchique implique le fait de prendre plus de responsabilités, donc plus de risques. Plus vous managez de personnes, plus vous avez des objectifs ambitieux, plus vous avez de responsabilités sur de l’acquisition de nouveaux clients sur de la gestion de trésorerie ou sur de la gestion RH. Le risque de ne pas atteindre ces objectifs augmente donc, et ce risque est quelque chose qui se paie. Plus vous prenez de risques dans la société, plus vous portez sur vos épaules l’avenir de la société. Vous vous engagez donc personnellement à aider la société à atteindre ses objectifs, le salaire qui est en face doit ainsi correspondre.

Dans les négociations, le facteur du risque que vous portez et de la responsabilité que vous portez est un facteur essentiel, puisqu’il va tout simplement vous permettre d’avoir des arguments forts, concrets à opposer à votre manager. Puis, en parallèle, il y a certains facteurs qui sont des facteurs personnels, des facteurs qui correspondent exclusivement à vous tout simplement. Le premier c’est l’ancienneté : depuis quand êtes-vous dans la société ? Ce facteur d’ancienneté est un facteur qui, normalement, impacte toujours une augmentation de salaire, mais on observe énormément d’entreprises où l’ancienneté n’est pas vraiment prise en compte, et en fait les salaires correspondent plus au besoin de l’instant t, à l’instant présent, que reflète le véritable engagement sur les années des différents collaborateurs.

N’oubliez pas une chose, les gens n’ont pas la mémoire très longue, ce qui fait que si vous vous engagez très fort pendant un an sur des projets et que deux mois avant la négociation salariale vous êtes arrivé tard, vous avez des absences maladies à répétition, et que du coup vous n’aidez pas votre manager à atteindre ces objectifs. A partir de ce moment-là, le manager risque de ne se souvenir que du négatif et pas tout ce que vous avez fait avant, et ce sera très compliqué pour vous de lui remettre en mémoire tout cela. Pour ça, et nous le verrons tout à l’heure, il faut constituer au fur et à mesure de votre activité une base de succès et une base d’échecs, et ce que vous en avez appris. Et cette valeur-là va permettre tout simplement de manière extrêmement concrète de garder dans la mémoire de votre manager tout l’apprentissage, toute la valeur, toutes les actions que vous avez effectuées dans l’entreprise, c’est cela qui vous permettra de justifier que votre ancienneté apporte réellement quelque chose dans la négociation que vous êtes en train de mener.

Un autre facteur est bien évidemment celui des diplômes et des formations que vous avez eu. Nous sommes dans un pays où les diplômes et les formations ont une importance. Je sais, nous parlons souvent de ce sujet et nous disons souvent que la formation ne reflète en rien les compétences d’une personne. Je suis parfaitement d’accord avec cela mais le système est comme ça et c’est ainsi que fonctionnent beaucoup d’entreprises. Vous devez donc le comprendre et vous devez donc accepter potentiellement le fait que votre formation doit être continue, votre formation doit être permanente. Il existe des écoles qui forment en général quand on est jeune, mais il existe aussi une multitude d’apprentissages, de formations courtes de certification. Tout cela va vous permettre au fil du temps non seulement d’obtenir des compétences supplémentaires – et du réseau, bien entendu – mais aussi de justifier votre demande d’augmentation de salaires. En rejoignant l’entreprise, vous aviez tel diplôme qui a servi à la négociation de base de votre salaire, mais vous avez acquis telles et telles compétences supplémentaires liées à votre poste vous permettant d’être plus efficient dans votre quotidien et qui justifient une augmentation de salaire.

Tout le monde connaît l’adage : « On n’a rien sans rien », et malheureusement dans le cadre de l’évolution salariale c’est souvent vrai. L’avantage très positif de ce sujet est que vous avez aujourd’hui accès à des formations extrêmement peu coûteuses et souvent gratuites qui vous donneront accès à des compétences complémentaires. Vous devez cependant bien les choisir, nous y reviendrons par la suite, car il y a des formations sur tous les sujets : certifiantes, non certifiantes, reconnues, non reconnues… Le meilleur conseil que je puisse vous donner est tout simplement de vous faire accompagner par votre manager et votre responsable formation dans le choix de ces formations. En effet, si votre manager vous incite à faire une formation, que vous la faites, que vous lui montrez ensuite quel est l’impact que ça a eu sur vos tâches quotidiennes et qu’il est positif, le manager ne pourra pas vous dire que vous n’avez pas évolué dans vos compétences. À partir de ce moment-là, vous serez à nouveau dans une position de force pour lui prouver tous les bénéfices que vous dégagez pour l’entreprise au quotidien.

Un autre élément que vous devez prendre en compte est la rareté. Êtes-vous quelqu’un de rare ? Avez-vous des compétences rares ? À cette question, la plupart des personnes se disent : « Non, nous sommes énormément sur le marché à faire exactement la même chose que moi ». Il y a beaucoup de personnes douées, prêtes à travailler fort, à s’engager fort pour les sociétés, et à accepter des salaires souvent moins que ce que moi j’estime mériter. Alors, la rareté, dans un premier temps, c’est quels sont vos diplômes, dans quelle entreprise vous travaillez, dans quelle entreprise vous avez travaillé, dans quel pays vous avez travaillé, quelle langue vous maîtrisez, mais aussi des choses plus précises. Par exemple, connaissez-vous tel ou tel logiciel ? Si vous êtes excellent sur la gestion d’un logiciel administratif ou d’un logiciel de gestion RH, vous allez évidemment avoir des compétences que quelqu’un d’autre n’aura pas forcément, mais avez-vous mis cela en avant quand vous avez parlé avec votre manager, avez-vous mis cela en avant quand vous parlez avec un potentiel recruteur ? Ces avantages qui font cette rareté, en fait, vous devez essayer de les comprendre et de les lister. Ça peut être d’avoir travaillé pour un concurrent, d’avoir travaillé dans un secteur, ça peut être d’avoir travaillé dans un pays, comme je le disais précédemment, ça peut être aussi de connaître telle ou telle personne, d’appartenir à tel ou tel groupe, d’avoir fait telle ou telle formation très spécifique sur un sujet.

Si vous remplissez le tableau et que vous apercevez qu’à la fin vous avez l’impression qu’il n’y a pas spécialement grand-chose de rare, posez-vous la question premièrement de vous dire : « Est-ce que tout ce que j’ai listé là, toutes les personnes en face de moi l’ont aussi ? ». Si la réponse est oui et même si la réponse est non, posez-vous la question : « Qu’est-ce qui pourrait me rendre différent des autres ? Qu’est-ce qui pourrait faire que j’ai un facteur différenciant par rapport à mes collègues, par rapport aux autres personnes qui sont en short-list avec moi dans les process de recrutement ? ». Vous verrez qu’assez rapidement vous connaissez les réponses. Il peut s’agir d’une formation, d’une compétence, d’une langue étrangère, d’un logiciel, d’une compétence managériale, d’une compétence en communication. Etes-vous très bon pour gérer les conflits entre deux personnes, par exemple ? Êtes-vous très bon pour organiser et animer un atelier, une réunion ? Êtes-vous quelqu’un d’extrêmement rigoureux et structuré qui aide à la documentation de la société ? À partir de ce moment-là, si vous rédigez tous les process de la société dans une petite société, vous avez les compétences que peu d’autres personnes sont capables d’avoir. Du coup, une fois que vous aurez listé les compétences qui pourraient vous différencier, il vous suffit de trouver comment les acquérir.

Je reviens donc sur un principe très simple, aujourd’hui vous avez la capacité en un mois, parfois une semaine, parfois un an, parfois trois ans, d’obtenir des compétences qui vont vous transformer en une personne plus rare que les autres, et ça, ce sont des éléments fondamentaux qui vous permettront tout simplement d’ajouter une valeur ajoutée inestimable dans votre argumentaire de négociation salariale.

Le dernier point qui est extrêmement important pour la justification d’un bon salaire ne dépend pas de vos diplômes, ni du secteur, ni des grilles de salaires, ni des tâches que vous faites quotidiennement. Il dépend exclusivement de vous. Il dépend tout simplement de votre capacité à comprendre que la négociation salariale est une compétence comme les autres, et que si vous vous formez, que si vous comprenez les mécanismes, que si vous vous préparez, que si vous acceptez les cycles, les échecs, les réussites, vous deviendrez tout simplement meilleur que 95% des personnes dans une compétence clé « Négocier son salaire ».

La capacité à négocier est aujourd’hui quelque chose qui est très présent dans beaucoup de secteurs. On l’entend bien évidemment sur toute la partie vente, évidemment aussi sur toute la partie recrutement, mais si vous réfléchissez bien, la négociation est absolument partout dans votre vie quotidienne. Apprendre à négocier un salaire c’est apprendre tout simplement à s’améliorer en négociation, et pour s’améliorer en négociation il n’y a qu’une seule clé : vous devez être bien préparé.